Encore un Lightness...

Truffe au sol, je tentai de repérer à l'odeur quelques plantes, marchant - ou plutôt boitant - d'un pas vif. Honnêtement, je commençais à m'y faire à cette vie de soigneur. Ce n'était pas si difficile, une fois qu'on avait toutes les connaissances requises. Il fallait dire que j'avais aussi eu un excellent mentor, et j'ignore comment nous avons fait pour apprendre autant en si peu de temps - je veux dire, juste avant sa mort, pendant ma convalescence. Cela ne m'empêchait pas de détester tout autant cette maudite patte maintenant tordue, qui m'empêchait de faire ce que je voulais, et, surtout, me battre férocement. À cette pensée, je poussai un grognement de mécontentement. Je n'eus cependant pas le temps de penser à autre chose, car une odeur particulière chatouilla mes narines. En fait ce n'était pas une odeur particulière ; c'était un mélange d'odeurs, venant de toutes les régions possibles : bref, ce que tout solitaire dégageait. Du moins, les seuls que j'avais vu ; et je n'en avais pas vu beaucoup dans ma courte vie.

Curieuse, je m'approchai. Et alors je l'aperçus. Elle semblait hésitante, méfiante, sur le bord de la frontière de notre territoire. Euh, en fait, je pouvais quasiment entendre son cœur battre d'ici. Je sortis de l'ombre afin qu'elle puisse me voir, et lui adressa un sourire moqueur.

- Alors la solitaire, qu'est-ce qu'on fou par ici ? Tu voulais voler des proies ? Non mais je rêve, tu vas pas te laisser effrayer par une pauvre petite louve meurtrie des Lightness... Uh, je ne suis pas très crédible, c'est vrai, vu la réputation qu'on a, dis-je en levant les yeux au ciel, mon caractère et surtout mon sarcasme habituel prenant le dessus.

No.. non pas du tout ! je... je voulais juste... Je me rendis rapidement compte que je l'avais prise par surprise. Mon sourire ne fit que s'élargir - s'il était déjà présent au début de notre entretient. Au fond, cette louve m'intriguait. Elle n'avait pas l'air d'une voleuse et je n'avais aucune envie de lui sauter à la gorge. Je me demandais toutefois ce qu'elle faisait là. On aurait dit qu'elle était curieuse - ce que les solitaires peuvent parfois être. T'inquiète la louve, je te crois. Je n'ai pas l'impression que tu sois une voleuse, je lui dis, devenant plus chaleureuse. Et, si, comme moi, t'as pas envie de me bouffer cru, on pourrait se présenter. Moi, c'est Dakota. Je suis la soigneuse des Lightness. Elle allait sûrement rire, car je ne donnais habituellement pas du tout l'impression d'être une guérisseuse. Du moins c'est ce que quelques petits chenapans de louveteaux m'avaient dit, la dernière fois. J'étais jeune, têtue, insouciante... Il était dur de deviner à quel rang j'appartenais. Mon caractère contredisait grandement le statut d'oméga ; mais ma patte, elle, indiquait tout le contraire. Qu'est-ce que tu fais ici, si près de la frontière ? Décidément, elle avait vraiment piqué ma curiosité. Pas toutes les louves se retrouvent ici sans raison. Peut-être voulait-elle rejoindre notre meute ? J'en doute. Elle avait sûrement quelque chose de plus... personnel.

Enchantée Dakota, moi c'est Ewanella, solitaire comme tu as pus le deviner grâce à mon odeur. Ewanella ? Joli. Et puis elle n'avait pas vraiment des allures de solitaire telles que je me les figurais : elle n'était pas dépenaillée, elle avait l'air en pleine forme, prête à courir, bondir, et surtout, elle était polie. Mais bon, comment je pourrais m'y connaitre ? Des sans-meutes, je n'en ai vu que très peu, voir pas du tout, car depuis ma naissance, je suis restée chez les Lightness. Ma seule escapade en dehors des frontières, c'était avec mon ancien mentor, afin de trouver une plante particulière qui ne poussait qu'à un endroit précis. Cela m'avait rendue nerveuse, car je n'avais plus tous les autres loups pour me protéger, j'étais vulnérable dans ces endroits que je ne connaissais pas. Malgré tout, j'en avais gardé le goût de la curiosité sur la langue. J'aimerais, disons, "visiter" votre territoire, l'explorer si ça ne vous dérange pas... Donc, on se comprenait, du moins, en partie. Néanmoins, sa requête était étrange, et je ne savais trop pas comment l'interpréter. Je me demandais si c'était l'alpha qui était censé traiter les demandes de ce genre. Est-ce que je pouvais la laisser traverser la frontière ? Seule, c'était non. Mais peut-être que si je l'accompagnais... Je savais me défendre, même avec ma patte brisée. Je pourrais me débrouiller si jamais elle s'avère dangereuse - voir une espionne des Darkness, même si elle n'en portait pas les odeurs. Je doutais, honnêtement, de mes propres théories. Elle n'en avait pas les moindres airs... Alors, je me disais... Peut-être que...  Je t'avertis Ewanella, si t'es un émissaire des Darkness ou si tu tente quoi que ce soit de louche, je te réduis en pâté. Et si j'arrive pas à t'assassiner avec mes griffes, crois-moi, je connais assez de poisons pour te faire crever mille fois de suite. Tu comprends ? Bon. Ayant finis mes quelques menaces, je réfléchis. Pourquoi pas en profiter pour faire du troc ? Hm, pourquoi pas. Les êtres comme elle sont plein de ressources. Bon, j'aurais rien qu'un petit service, en retour, à te demander. Rien de bien méchant. Je lui souris, charmeuse, pour l'amadouer.

Je t'écoute Lightness... Alors elle était ouverte à ma proposition. Tant mieux. Ce ne sera pas difficile. Ni méchant, d'ailleurs. Il ne fallait pas qu'elle soit méfiante ; j'étais franche, je n'allais pas la trahir de sitôt. Et comment la trahir, sinon ? Ce n'était pas vraiment contre règle, ce que je m'apprêtais à lui demander, si ? Merci, Ewanella. Quoi, tu la remercie ? Mais pourquoi ? Je manque de certains stocks, de plantes, de remèdes, tu vois. Mais certains ne poussent pas sur ces terres. Vu que tu es une vagabonde, j'imagine que tu connais beaucoup de recoins. Je pris une inspiration, réfléchissant à ce que j'allais bien pouvoir lui dire. Le problème, c'est que je suis pas à l'aise à l'extérieur du territoire des Lightness, donc, si tu pouvais m'accompagner et me montrer certains coins, ce serait génial. En plus, je pourrais en profiter pour te dire quelques trucs, si jamais quelque chose t'arrive et que tu sais pas quoi faire. Bien sûr, on fera ça après ta petite exploration - et je t'accompagne partout où tu iras, cela dit en passant. Voilà, elle y gagnerais, alors pourquoi s'en ferait-elle ?

Très bien Dakota, j'accepte ta proposition. Je trépignais presque sur place, heureusement que je me retenais de le faire devant la solitaire. Je n'aurais pas à me traîner l'un de mes camarades casse-patte, ni à me retrouver seule dans des lieux, qui, soyons francs, pouvaient me foutre les chocottes. Alors mon enthousiasme ne se retrouva que plus grand, et mon sourire s'élargit quand je la regardai, les yeux pétillants. Oh, c'est super ! Je reculai d'un pas, puis de deux, lentement, avec précaution. C'était un signe : je lui permettais de traverser la ligne invisible qui nous séparait à ce moment-là. Alors, tu viens ? Aller, n'aie pas peur, l'alpha n'en saura rien. Et puis, il pourrait jamais se passer de moi, donc, il évitera de me faire des problèmes, gloussai-je, amusée. Oui, j'étais une sacré petite rebelle. Tant pis. Cette louve avait l'air sympathique, et j'allais sûrement me trouver une nouvelle amie en cette journée bien entamée. Tu veux voir un truc en particulier ? Ou je te fais faire la frontière au complet ? Remarque, c'est très long... Plus profond dans les terres ? Hmm... À toi de décider. Dis-moi, tu as déjà eu des membres de ta famille originaire d'ici ? Que voulez-vous, elle m'intriguait, cette louve qui voulait visiter notre territoire. J'avais envie d'en savoir plus sur Ewanella.